
Pour notre 14e article Special People, nous vous présentons Jeffrey Cagnes (@jeffreycagnes), Chef Pâtissier de la vénérable Maison Stohrer (@stohrer). Fondée en 1730, Stohrer est reconnue comme la plus ancienne pâtisserie de Paris. Ce monument historique (littéralement) a donc plusieurs fois marqué l’histoire. Et c’est Jeffrey Cagnes qui aujourd’hui poursuit une sublime tradition avec un talent immense et une personnalité qui lui vaut une foultitude d’admirateurs. En effet, fort de ses 186 000 fans sur Instagram, Jeffrey Cagnes fait rayonner la noblesse de son métier dans le monde entier. Fanatique de parfum, nous l’avons rencontré aux ateliers Sillages Paris pour lui trouver le Sillage idéal. Et on vous parie tout ce qu’on a que c’est pas la dernière fois que vous entendrez parler de cette star absolue de la gourmandise.
Les Special People Sillages Paris nous inspirent par leur style, leur parcours, leur façon de vivre leur vie ou leur rapport au parfum. Sillages Paris est une maison de Haute Parfumerie qui veut célébrer l’originalité et la singularité : à la fois dans le parfum, et dans les personnes qui le portent. En effet, nous pensons que chacun d’entre nous est spécial, donc chaque parfum devrait être spécial. Du coup, on fait parfois des rencontres que nous avons envie de partager avec vous. Ceux qu’on appelle nos special people peuvent être des gens que l’on croise, ou nos propres clients qu’on adore rencontrer. Pour chacun de ces gens spéciaux, nous avons créé le sillage parfait.
Pourquoi la pâtisserie?
J’ai toujours été très gourmand mais quand j’étais petit je ne rêvais pas forcément de devenir pâtissier. Ça s’est plutôt présenté comme une “voie de garage” à la fin de l’école. Mais c’est véritablement pendant mes stages que suis tombé amoureux de ce métier. J’ai d’abord commencé chez Pascal Caffet (meilleur ouvrier de France) à Troyes où j’habitais. Puis j’ai déménagé à Avignon pour poursuivre mon apprentissage chez le Chef Pâtissier Chocolatier Patrick Mallard.
Enfin à 18 ans je suis arrivé à Paris pour faire mon année de mention complémentaire chez Stohrer. Elle a été la première maison qui m’a ouvert ses portes et m’a embauché. Après 60 refus de maisons différentes!
Le parcours de Jeffrey Cagnes
Après ma première expérience chez Stohrer, je suis devenu commis au Delicabar de Sébastien Gaudard. Lui et Hélène Samuel ont eu du génie d’avoir monté ce snack-chic au Bon Marché. Ils étaient en avance. A l’époque ils faisaient 3 produits : un légume, un chocolat et un fruit. Je ne suis pas resté au Delicabar plus d’un an, mais j’ai adoré cette expérience. Au bout de 5 mois Sébastien Gaudard m’a mis en R&D avec lui, et j’ai beaucoup appris. Déjà parce qu’on faisait entre 40 et 50 essais de crème dans la journée! Et c’est comme ça qu’on obtient la justesse au niveau de l’équilibre des ingrédients… Ça m’a aidé à me construire par la suite.
Je suis ensuite retourné chez Stohrer en tant que second. Puis au bout de deux ans, je quitte de nouveau Stohrer et j’enchaîne les établissements : Yamazaki, Hédiard, Thoumieux avec Jean-François Piège… Je suis resté deux ans avec Jean-François Piège aussi, et ç’a été une expérience magique. Parce que travailler avec un chef de ce talent là, qui est une encyclopédie du goût vivante, ça m’a enseigné une grande subtilité. L’usage de la fleur de sel par exemple, ou d’un zeste de citron pour dé-sucrer le produit.
Et finalement je me suis fait rappeler chez Stohrer en 2017 par la famille Dolfi (les propriétaire d’A la Mère de Famille) lorsqu’ils ont racheté la Maison. A ce moment-là, je n’ai pas hésité : je suis profondément attaché à cette Maison et à son histoire. Et j’ai compris qu’il y avait de vraies ambitions pour développer la maison et la faire rayonner.
Les inspirations de Jeffrey Cagnes
Quand j’ai débuté, j’avais évidemment beaucoup d’admiration pour certains grands pâtissiers! Christophe Michalak par exemple, parce qu’il fait partie de ceux qui ont donné une vraie notoriété au métier. Mais aussi Pierre Hermé, Philippe Conticini, ou Christophe Felder qui a écrit les plus grands best sellers de la pâtisserie! Je courais après ces talents là pour avoir leur signature sur ma veste… D’ailleurs, il m’est arrivé de les voir au Salon du Chocolat, et j’étais pétrifié, comme un fan de Céline Dion qui la rencontre. Ce sont “les Pères fondateurs” en quelque sorte. Et je me dis encore que le jour où je pourrais serrer la main de ces grands, j’aurais réussi ma carrière.
Et aujourd’hui, j’avoue que ça me fait plaisir quand des jeunes pâtissiers viennent me voir pour des conseils, une photo ou juste pour me serrer la main. Parce que je suis passé par là aussi!
Le boom de la pâtisserie : internet et la télé réalité
Mais à l’époque, c’était difficile d’avoir accès à toutes les connaissances qu’on a aujourd’hui! Il n’y avait pas encore Instagram, Facebook, Youtube, ou les blogs. On avait juste le Journal du Pâtissier pour les professionnels. Aujourd’hui, les réseaux (sociaux) et la télé ont participé à la diffusion du métiers et des connaissances. Être pâtissier c’est glamour aujourd’hui!
En même temps ce qui est super avec Instagram, c’est que ça nous a donné une fenêtre sur le monde. J’en apprends d’ailleurs tous les jours, même avec des tutos d’amateurs. Tout m’inspire! Et je trouve que les réseaux sociaux c’est aussi un super outil de partage aussi. Parmi tous les gens qui me contactent, il y a une foule de passionnés. Ils sont soit amateurs soit pâtissiers au bout du monde, qui me demandent une recette qu’ils ont vu sur une photo… Au final, ça fait avancer la création!
Innovation vs Tradition en pâtisserie
En un sens, la glamourisation et la popularité de la pâtisserie font évoluer le métier et accentuent un certain esprit de compétition. Donc rester simple est de plus en plus compliqué.

Mais pour ma part, j’ai aucun mal à dire que je ne cherche pas la réinvention non stop. Je me suis approprié le style classique de Stohrer, qui reste un intemporel. On revient toujours sur les classiques, et c’est d’ailleurs là dessus que travaillent les nouveaux pâtissiers aujourd’hui. Et pour les Classiques, il ne s’agit pas d’essayer de les réinventer tous les jours. Mais de les apprivoiser et de les développer.
La créativité c’est pas de remettre tout à plat tout le temps, c’est d’arriver à de meilleurs équilibres. Et parfois ça ne passe que par l’origine des ingrédients par exemple…
L’importance du geste

Par ailleurs, je suis très attaché au geste de la poche. La poche reste l’outil n°1 du pâtissier! Tous les produits sont finis à la main et c’est ce qui fait les petites irrégularités qui sont belles et la grandeur de l’artisanat. Et je me bats notamment contre les moules en silicone qu’on utilise très peu chez Stohrer. Chez nous, l’éclair est poché, le Saint Honoré est poché avec la Chantilly… On poche la frangipane en spirale dans nos galettes des rois!
D’ailleurs, on se donne régulièrement des challenges d’habileté avec mes équipes. Cela me vient de l’époque où j’étais apprenti : on se disait que celui qui finissait premier était aussi celui qui allait apprendre quelque chose en premier! De ce fait, à l’époque, je faisais semblant de partir avec tout le monde tous les après-midis. Mais après je revenais au laboratoire pour continuer à m’entraîner. Et je m’entrainais parfois jusqu’à 22-23h sur de la pâte à choux, toujours la même! Le lendemain les mecs n’y comprenaient rien et me disais “mais hier tu ne savais pas pas le faire?!” mais hier c’était hier!
Encore aujourd’hui je travaille tous les jours au labo avec mes équipes. Je nettoie aussi pas mal parce que je préfère qu’un apprenti apprenne les gestes de pâtisserie plutôt que de faire la plonge. D’ailleurs ça me détend…
Notre labo se trouve juste derrière la boutique – cela me permet de communiquer très facilement avec la boutique, le client… Et puis il y a l’avantage des odeurs évidemment! Quand on caramélise un puit d’amour par exemple, ça crée une fumée de sucre magique qui rentre dans la boutique!
Petite histoire de Stohrer
La maison Stohrer est fondée par Nicolas Stohrer à Paris en 1730. Nicolas Stohrer apprend d’abord son métier de pâtissier dans les cuisines de Stanislas Leszczynski. C’est d’ailleurs chez le Roi de Pologne qu’il inventa le Baba au Rhum! Selon la légende, le Roi Stanislas aurait ramené une brioche sèche de voyage. Et pour la rendre plus goûteuse, Stohrer l’aurait arrosée de vin de Malaga, et y aurait ajouté du safran, de la crème pâtissière, et des raisins frais et secs. Fan de cette création (et de l’histoire des Milles et Une Nuit), le Roi Stanislas l’aurait baptisée Ali Baba.
Stohrer reste au service de Stanislas Leszczynski jusqu’en 1725. Il suit ensuite la fille, Marie Leszczynski qui part à Versailles pour épouser Louis XV. On dit que c’est à Versailles que Stohrer aurait inventé un autre classique de la maison : le puit d’amour. Toujours selon la légende, Louis XV offrait à ses ce gâteaux à ses maîtresses comme preuve d’amour.
Le début d’une grande aventure
Cinq ans plus tard, Stohrer décide d’ouvrir sa propre boutique à Paris. La façade et le décor du magasin qui subsistent au 51 rue Montorgueil, datent de 1860 et ont été réalisés par un élève de Paul Baudry (qui a œuvré au décor de l’Opéra Garnier). Ces éléments sont aujourd’hui classés à l’inventaire des monuments historiques.
Depuis, la maison est si prestigieuse que Stohrer accueille même la Reine d’Angleterre, Elisabeth II le 6 avril 2004. Elle fait une pause dans la boutique historique au cours d’une visite officielle pour les 100 ans de l’Entente Cordiale. Et au final, ce qui devait être une petite pause de 10 minutes maximum en durera 45!
Jeffrey Cagnes écrit l’histoire contemporaine de Stohrer
Je suis très attaché à Stohrer parce que c’est une Maison qui a une âme. On s’y sent bien, et elle a le mérite d’être connue non seulement parce que c’est la plus ancienne pâtisserie de Paris mais aussi parce qu’elle a une riche histoire. Il y a un nombre incalculables de personnages qui y sont passés et y ont laissé leur trace… On retrouve ça chez Stohrer avec des gestuelles, un savoir-faire d’artisan… et c’est ça qui fait son côté majestueux. J’ai donc commencé mon apprentissage là bas il y a 15 ans.
Mon plan de carrière à moi c’est de continuer d’avancer et former plus de gens car sans mes équipes je ne suis rien, et Stohrer non plus d’ailleurs! La Maison Stohrer en fait ça n’est pas que moi, c’est plein de gens qui avancent ensemble et travaillent dur pour continuer à écrire l’histoire.
Stohrer en 2020
On a donné un nouveau look aux gâteaux, on a changé pas mal les recettes parce qu’aujourd’hui on est dans l’ère du moins sucré donc il était important de dé-sucrer sans perdre en gourmandise. Mais après il y a certains classiques dont les recettes n’ont pas changé depuis 1730 et qu’il ne fallait pas toucher : l’alibaba, le baba nature, baba chantilly, le puit d’amour, la bouche à la reine…

J’ai aussi resserré la gamme en retirant des références qui n’apportaient pas grand chose pour se concentrer sur le meilleur sans partir dans tous les sens. Par exemple la tarte aux fraises des bois : on passait l’année à vendre des produits avec des fraises cultivées sous serre, maintenant on en fait que quand c’est la saison. Je veux que tous les produits soient de saison.
C’est toujours très difficile de se sentir vraiment chef. Dans mon labo par exemple il n’y a pas du tout d’ordre hiérarchique que j’impose : on est tous pareils. Mais cette année j’ai vraiment pris la mesure de tout le chemin parcouru avec le développement de Stohrer, parce que c’est une Maison que j’ai toujours voulu développer. Donc c’est vraiment là que je me suis senti “chef”.
La passion de Jeffrey Cagnes pour le parfum : une affaire de famille
Dans ma famille on est fans de parfums, on se parfume tout le temps, depuis que je suis tout petit. Mon père en avait toujours un dans sa mallette, dans sa voiture, au bureau et à la maison! J’ai d’ailleurs moi-même un parfum au bureau, un dans mon sac à dos, et un aussi à la maison. (Et c’est pas toujours les mêmes!) Avant d’aller me coucher je me parfume aussi, pour ma femme.
Tout cela de mes grands-parents. Traditionnellement, les Méditerranéens se parfument beaucoup. Or mon père a grandi au Maroc, avec une mère sicilienne et un père marocain : il a donc eu très tôt cette culture du parfum. Mon grand-père lui se parfumait beaucoup à l’eau de Cologne. A l’époque, le parfum était un signe de statut plus visible qu’un bijou. Cela permettait de savoir immédiatement si quelqu’un qui prenait soin de lui. C’était très dandy d’en porter beaucoup, et des parfums forts en plus!

Le parfum et les arômes
Le parfum c’est une source de souvenir pour moi, comme les pâtisseries peuvent l’être. Il y a souvent des odeurs qui te rappellent quelque chose sans savoir quoi exactement. Et mon objectif c’est vraiment de créer et de raviver des souvenirs. Notamment parce que la pâtisserie marque les occasions importantes de la vie des gens : anniversaire, communion, Saint Valentin, Noël, mariage, ou même une fin de repas en famille!
D’ailleurs, ma pâtisserie préférée (et celle qui est ma signature personnelle), c’est la tarte citron. Parce qu’elle me rappelle mon enfance. C’est le gâteau préféré de ma maman et je me suis donc toujours donné pour challenge de la réussir mieux que personne.
Le Sillage de Jeffrey Cagnes: Une signature aromatique et boisée, à la fois fraîche et puissante. En tête, une touche juteuse et fruitée de melon, mélangée à des épices vertes glacées. L’accord floral aromatique se développe ensuite, construit autours d’une surdose de lavande et d’eucalyptus. La signature se termine sur une association de bois brut (cèdre et vétiver) légèrement vanillés, pour un rendu contrasté et très sensuel sur peau. Immanquable.

Restons en contact! Rejoignez le gang sur Instagram 🙂
Social