Les Special people Sillages Paris nous inspirent par leur style, leur parcours, leur façon de vivre leur vie ou leur rapport au parfum. Sillages Paris est une maison de Haute Parfumerie qui veut célébrer l’originalité et la singularité : à la fois dans le parfum, et dans les personnes qui le portent. En effet, nous pensons que chacun d’entre nous est spécial, donc chaque parfum devrait être spécial. Du coup, on fait parfois des rencontres que nous avons envie de partager avec vous. Ceux qu’on appelle nos special people peuvent être des gens que l’on croise, ou nos propres clients qu’on adore rencontrer. Pour chacun de ces gens spéciaux, nous avons créé le sillage parfait. Pour notre troisième article special people, nous vous présentons Zisla Tortello, une journaliste, féministe et artiste hyper inspirante et qu’on a juste envie d’écouter pendant des heures. Elle a travaillé chez ELLE et a rejoint Lauren Bastide quand elle a fondé Nouvelles Ecoutes et le fameux podcast féministe La Poudre, et après 6 ans à informer les femmes, elle prépare son prochain coup, tout aussi inspirant. Bref, on est en admiration totale.

Lorsqu’on a rencontré Zisla Tortello via Instagram (@zislachiara), on était partis pour prendre quelques notes. Et puis finalement on a enregistré tout l’interview parce qu’on ne savait pas quoi choisir! Tout était intelligent, intéressant et authentique. Et libre aussi, parce que c’est ce que dégage Zisla. Cette liberté dans son corps et dans sa tête, Zisla la tire peut-être de son enfance dans une île où le rapport à une nature sacrée est le fondement de la spiritualité.
Chapitre I : Bali et la spiritualité
J’ai grandi en Indonésie sur l’ile de Bali jusqu’à mes 14 ans, sous l’impulsion de ma mère qui en était tombée amoureuse des années plus tôt. A 18 ans, elle a fait un grand voyage, un sorte de petit tour du monde comme on pouvait en faire à l’époque pour pas trop cher. En passant par l’Indonésie, elle est tombée amoureuse de cette île tropicale spirituelle, où règne une religion animiste riche en mythes et légendes.
Ces mythes, qui peuvent rappeler la mythologie greco-romaine, sont peuplés de dieux caractériels et d’esprits farfelus. À Bali par exemple, les chamans sont très présents dans la vie quotidienne : ce sont eux qui mènent par exemple les cérémonies qu’il faut effectuer avant d’emménager où que ce soit, pour que les esprits protègent la bâtisse. Et dans chaque lieu privé ou public on construit un temple, et si celui-ci est vraiment grand, il en faut même deux !
Mon enfance à Bali m’influence beaucoup, mais j’ai mis du temps à le comprendre. Très cartésienne de nature, j’ai de plus en plus le sentiment qu’il y a “plus”, plus à voir et à plus à sentir du monde que ce qui est aujourd’hui scientifiquement admis et démontré. Et qu’il suffit d’être à l’écoute de ses instincts pour éprouver la vie différemment.
“En fait, je ne veux me fermer à rien dans la tête, je ne veux que de l’ouverture dans ma vie.”
Avec le temps et en perdant des personnes qui lui étaient chères, ma mère s’est rapprochée de la spiritualité balinaise. Elle a creusé cette idée de prendre soin de soi mentalement, de ne rien écarter en terme de solutions potentielles, et ça m’a décomplexée. Il nous arrive souvent de consulter des voyantes, des astrologues qui interrogent les astres ou le tarot.
En fait maintenant, je me dis qu’on passe à côté de quelque chose à croire que la raison et la logique peuvent tout expliquer de nos existences, et à ancrer nos valeurs dans le matériel en permanence. Peut-être que c’est se fermer à quelque chose de plus grand. Et moi je ne veux que de l’ouverture dans ma vie.
Le recours à la magie et le retour à un rapport plus proche de la nature, c’est une résistance à la technologie omniprésente et une prise de conscience inhérente au fait qu’on détruit la planète, pour finalement réaliser un peu trop tard à quel point le monde naturel est précieux.
Chapitre II : La Poudre
Après l’obtention miraculeuse de mon bac et quelques mois d’errance, je suis rentrée en stage au magazine ELLE, où j’écrivais essentiellement pour le DailyElle, le blog de la rédac qui parlait mode et société avec un ton plein de l’humour jovial caractéristique de Sophie Fontanel, qui en était la rédactrice en cheffe. Je pigeais aussi pour le magazine papier mais seulement sur des sujets mode. J’aimais beaucoup ce milieu, à l’époque. J’avais 18 ans et j’aimais le côté à la fois paillettes et sociologique de la mode.
C’est là que j’ai rencontrée la journaliste Lauren Bastide, qui m’a transmis la majorité de ce que je sais aujourd’hui du métier de journaliste. Quelques années plus tard, après des retrouvailles au Grand Journal et une saison à la télévision, Lauren m’a proposé de l’aider à monter une boîte de production de podcast, Nouvelles Écoutes, et sa propre émission, La Poudre. En quelques mots, elle m’a dit « tu viens avec moi ? » et je lui ai répondu « évidemment. »
“En quelques mots, Lauren m’a dit : « tu viens avec moi ? » et je lui ai répondu « évidemment. »”

J’ai donc aidé Lauren Bastide et Julien Neuville, son associé et ami de longue date, à monter Nouvelles Écoutes, puis j’ai travaillé exclusivement sur le podcast La Poudre, une émission féministe et culturelle d’interviews de femmes artistes et activistes hautement inspirantes. J’étais chargée d’animer sa vibrante communauté sur les réseaux sociaux, et j’assurais également la prise de son de l’émission. Rapidement, le podcast a grandi au-delà de nos espérances, pour finir par se matérialiser sous la forme d’évènements spéciaux et d’un site de recommandations de lectures permettant d’aller encore plus loin après l’écoute des interviews (“La Poudre lit”, voir ici). Ce n’est que des livres féministes et écrits par des femmes, une mine de savoir, dans laquelle puiser sans modération!
“J’étais dans le plaisir de la découverte et l’émerveillement qui caractérise souvent l’éveil d’une conscience politique.”
C’était magique et j’ai tellement grandi en faisant ce travail. D’ailleurs ça n’était pas vraiment du travail puisque j’étais dans le plaisir de la découverte… Mais aussi dans l’émerveillement qui caractérise souvent l’éveil d’une conscience politique. Pourtant, à force de rencontrer des femmes hyper inspirantes et de les écouter raconter leur vie et les projets incroyables qu’elles avaient lancé, une petite voix a commencé à me chuchoter que je pourrais le faire aussi. Et Lauren l’a senti avant même que je me l’exprime clairement! C’est elle qui m’a ouvert la voie. Elle m’a dit « je sens que tu as envie d’autre chose, et je ne veux pas te restreindre ». Ça faisait 6 ans qu’on bossait ensemble. Lauren c’est ma sœur, et elle m’a fait le plus beau cadeau qu’on m’ait jamais fait.
A 25 ans, étant une féroce autodidacte qui avait toujours rêvé de faire une école d’art, j’ai décidé de me lancer.
Chapitre III : l’Art et le féminisme (ou l’art du féminisme?)

Le mur est décoré d’un papier peint par elle.
Pour préparer un portfolio pour les Beaux Arts, je me suis éclatée à tester plein de médias différents, des animations vidéos, des portraits assez réalistes d’après modèle vivant au fusain ou au pastel, de la peinture, de la photo, le tout systématiquement accompagné de textes parce que l’écriture est mon outil de prédilection. Les thèmes sont toujours les mêmes : ça touche au rapport au corps, à l’identité, à la féminité, aux complexes qu’on nourrit autour de cela, ou au contraire à une potentielle libération par le biais du retour à la nature. Des fleurs et des fesses, en gros 🙂
Je suis également en pleine écriture d’une mini-série féministe qui me stimule beaucoup. J’ai le sentiment que nous manquons cruellement de représentations cinématographiques pertinentes des relations qui peuvent unir les femmes les unes aux autres. J’ai grandi dans une famille de femmes, j’ai 3 sœurs, on est 4 meufs élevées par notre mère avec des pères pas absents mais situés à un plan plus secondaire.

Et j’aimerais vraiment retrouver la nature de ces liens sur petit écran. Je consomme énormément de séries, et la platitude des relations femmes/femmes qui y sont trop souvent dépeintes me met hors de moi. Très peu passent le brillant et très simple test de Bechdel, très peu illustrent des valeurs aussi essentielles que la sororité, qui existe pourtant bel et bien dans la vie.
Attention : spoiler de Game of Thrones
Genre, la dernière saison de Game of Thrones par exemple. J’étais dégoûtée ! Ok, il y a “beaucoup” de personnages de femmes puissantes, enfin pas tant que ça en réalité, mais déjà plus que dans la plupart des séries hyperproduites, saluons cela. Néanmoins, pas question que ces femmes puissantes trouvent un terrain d’entente. Daenerys et Sansa sont forcément rivales, méfiantes l’une vis à vis de l’autre. Daenerys, c’était jusqu’ici la figure de la reine vertueuse par excellence, empathique et juste, un modèle de gouvernance féminine assez essentialiste mais pourquoi pas. Dernière saison, son personnage se corse, elle devient brutale, colérique, elle décide de se venger et de se faire craindre. Pourquoi pas.
Mais sa colère n’est pas dépeinte comme froide, stratégique, guerrière. Elle puise forcement ses forces dans l’irrationnel, la douleur d’avoir été trahie, notamment par… son amant. Mais aussi Tyrion et Varis, supposément progressistes, qui s’expliquent que le genre de Jon Snow en ferait un meilleur leader, ou encore la façon dont Sansa est dépeinte comme une victime et non comme une survivante. Quant au personnage de Brienne qui se retrouve à pleurer Jamie en nuisette… N’en parlons pas. Game of Thrones a tout simplement trahi les femmes qui ont un jour fait sa grandeur.

C’est bon, fin du spoiler.
Enfin voilà. Heureusement qu’il y a des femmes incroyables qui créent des personnages de femmes mortelles pour sauver la mise. Des Ilana Glazer et des Abbi Jacobson (Broad City), des Nahnatchka Khan (Fresh of the Boat), des Marti Noxon (Unreal), des Michelle Ashford (Masters of Sex) ou encore des Rachel Bloom et des Aline Brosh McKenna (Crazy Ex-Girlfriend). Elles font bouger tellement, tellement de choses. Et j’ai super envie que les choses bougent de la même façon en France.
Pour ajouter ma petite pierre à l’édifice, j’ai envie de parler de mon rapport au corps, et de celui parfois différent que mes amies et mes soeurs entretiennent avec le leur. De raconter nos sexualités, nos rêves (les vrais), nos angoisses, nos combats, notre force hallucinante, et nos rires. Notre éveil féministe à toutes, parce qu’il est global et que rien ne saura l’arrêter. Avant, je faisais partie des nanas qui disaient que c’était « chiant les filles » qu’on « s’amuse beaucoup mieux avec des mecs ».
Aujourd’hui je réalise que c’est vraiment une connerie parce qu’au fond les personnes qui m’ont le plus aidé et appris dans ma vie c’est pas les hommes, c’est les femmes. C’est personnel j’en convient. Mais la sororité, c’est trop important. On peut tout changer par ce biais. C’est trop important qu’on s’épaule, c’est même la seule solution. Plus que « les hommes aussi peuvent/doivent être féministes ». Si on commençait déjà par s’entre-aider, arrêter d’avoir peur de la puissance des unes et des autres, d’être dans un truc d’hostilité, de compétition. Ça changerait la face du monde, j’en suis convaincue.
Chapitre IV : prendre soin de soi

Si vous êtes une femme et que vous vivez aux États-Unis ou dans un pays occidental ; si vous êtes obsédée par l’idée de manger trop ou de ne pas manger assez (c’est plus rare) ; si vous utilisez des mots comme «craquer» et «péché mignon» – ces mots qui nous inspirent un sentiment de honte et destinés à mettre nos corps au pas, il est fort probable, et ce quelle que soit votre silhouette, que vous entretenez un rapport à la nourriture frisant le fétichisme.
À celles qui rentrent dans ce modèle de plus en plus étriqué, félicitations! Les vêtements sont coupés pour vous, les producteurs de chou kale vous adorent et l’opinion publique avec eux. Les autres risquent de rester dans l’ombre, à l’endroit précis où l’auteur de ce livre voulait se trouver.
Et aimer les autres femmes, ça passe par s’aimer soi-même, ou du moins se traiter avec bienveillance. Je me suis torturée mentalement et physiquement pendant des années parce que je ne correspondais pas aux critères que je m’étais fixés (avec un petit peu d’aide c’est clair). En fait, j’étais totalement obnubilée par mon physique, comme si c’était la seule chose qui pouvait et devait me définir. J’ai perdu un temps et une énergie précieuse que j’aurais pu consacrer à tellement d’autres choses plus épanouissantes. Et le pire dans tout ça, c’est que c’est quelque chose d’assez commun dont l’autrice Roxane Gay ou encore Mona Chollet parlent très bien. La beauté des femmes et le corps des femmes sont politiques et instrumentalisés par la société capitaliste. Et c’est fascinant à quel point on peut finir par devenir son propre bourreau.
“Le féminisme m’a aidée à m’autoriser à vivre naturellement.”
Le féminisme m’a aidée à m’autoriser à vivre naturellement. Même dans mon rapport à la cosmétique, j’ai changé. Je suis dans un truc plus organique en fait : je n’utilise que 2 ou 3 produits naturels, bios et éthiques adaptés à ma peau plutôt qu’une ribambelle de produits « à la mode » mais qui n’ont pas grand’ chose à offrir de plus que leur packaging. Et je fais du yoga pour me forcer à respirer (oui j’en suis là), et au bout d’un moment je me mets à ressentir dans mon corps ce dont j’ai besoin dans ma tête. C’est l’alignement.
“L’odorat c’est le premier sens qu’on a. Le bébé dans le ventre de sa mère il est aveugle, il est sourd mais il sent.”
Par ailleurs, j’adore les odeurs. Mon amie Déborah Da Silva qui a fait un documentaire sur le parfum de la rose (L’important c’est la rose, 52min), est elle aussi fascinée par les odeurs et m’en parle beaucoup. L’autre jour, elle m’expliquait que l’odorat est notre tout premier sens. Dans le ventre de sa mère, un bébé est aveugle et sourd mais il sent déjà dès la 8ème semaine de grossesse. C’est le plus puissant des sens, hyper connecté au cerveau.

Mon premier souvenir lié à l’odeur, c’est celui de ma mère qui portait « Après l’ondée » de Guerlain. Il sent exactement comme la terre d’un jardin fleuri après une petite pluie tropicale. C’est l’odeur du baiser du soir dans mon lit après un livre, le meilleur moment de la journée.
En règle générale, j’aime les odeurs de monoï, de vanille : ça vient très certainement de Bali où j’adorais bronzer en me mettant de l’huile très certainement cancérigène (mais j’étais jeune et intrépide). De nombreuses fleurs balinaise ont aussi marqué ma mémoire olfactive. Dans mon jardin il y avait des gardénias, du jasmin. Une autre fleur inoubliable pour moi, c’est aussi les champakas (une espèce de magnolia), des fleurs sacrées utilisées pour les cérémonies.
“Je me parfume avant de partir de chez moi et avant de me coucher. C’est un luxe rien que pour moi, je me fais plaisir…”

Le Sillage que j’ai choisi a du jasmin, de la vanille et des muscs blancs : la vanille j’aime son odeur, son goût, absolument tout, et les muscs blancs ça me rappelle le parfum White Musk de Body Shop que je jalousais à ma meilleure copine Lola. J’adore le fait qu’au début, le Sillage soit assez acide, et qu’au fur et à mesure qu’il fond sur ma peau il y laisse comme une odeur de gâteau. J’ai l’impression d’être un moule dans lequel on vient de faire un tarte ! Je l’aime trop sans vraiment savoir pourquoi.
Je me parfume avant de partir de chez moi et avant de me coucher. En fait, je fais le même truc que Marilyn Monroe (Qui dans une interview un jour a déclaré : “Ce que je porte la nuit pour dormir ? Juste quelques gouttes de Chanel n°5!” ndlr) ! Avant je me serais retenue d’utiliser mon parfum quand je reste chez moi, alors que j’allais être la seule à le sentir. Aujourd’hui, ça fait partie de ma démarche féministe. Oui, c’est juste pour moi cette odeur de bonheur. Et c’est bien assez. #selfcare
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